histoire du sénégal

copyright Réalirêves - Dessin : Thomas Jablonsky



C'est au paléolithique inférieur ( il y a plus de 150 000 ans ) que remontent les origines du Sénégal, comme en témoignent les nombreuses découvertes d'ossements et outils en pierre taillée dans la région de Dakar et les environs du fleuve Sénégal.
Des pêcheurs et des agriculteurs sédentaires occupaient la presqu'île du Cap Vert et le Bao Bolon ( près de Nioro-du-Rip, entre Kaolack et la frontière gambienne ) dès l'époque du néolithique. La présence de monuments mégalithiques en latérite et surtout d'une multitude de mbanar ( tumulus ) y signale l' existence ancienne d'une civilisation d'adorateurs du soleil. Au nord, vers Saint Louis et autour de l'estuaire du Saloum, les "mangeurs de coquillages" élevaient avec les coquilles vides des monticules artificiels qui existent toujours.

Précoloniale

De l'empire du Ghana à la chute de l'empire du Jolof (Diolof)


Au IIIéme ou IVéme siècle ap. J.C., les Sarakholés*, profitant de la situation géographique entre l'Afrique du Nord et l'Afrique tropicale, installent leur domination dans tout l'Ouest du Sahel en fondant l'empire du Ghana : les nombreuses caravanes traversant le Sahara leur assurent une longue prospérité qui leur permet d'entretenir des mercenaires Wolofs*, Peuls* et Sérères*.
Au XIème siècle, tous ces peuples de religion animiste entrent en contact avec l'Islam conquérant. Les Almoravides, moines guerriers berbères, atteignent le fleuve Sénégal et disloquent l'empire du Ghana. Ils tentent sans grand succès de convertir les masses, à l'exception des Toucouleurs* : ces derniers fondent leur royaume et s'allient aux Almoravides, dont la présence s'étiole ensuite assez rapidement.
L'aube du XIIIème siècle voit l'émergence de l'empire Malinké ( ou empire du Mali, ou encore du Manding* ) qui se prépare à abriter une brillante civilisation attirant de nombreux lettrés et produisant une tradition artistique et artisanale rayonnante. On retiendra ici surtout le nom de Sunjata ( Soundiata ), seul rescapé du massacre des douze enfants du roi du Manding qui venge ses frères en écrasant le commanditaire du crime, le souverain Ghanéen Sumanguru Kante à Karina en 1235. Sur sa lancée, il conquiert le Ghana, pille sa capitale et s'empare des mines d'or du Bambuk. Après ces succès fondateurs, l'empire Malinké ne cesse de s'agrandir pour atteindre son apogée sous le règne ( 1312-1337 ) de Kankan Moussa qui fait admirer l'éclat de la civilisation mandingue lors d'un retentissant pèlerinage à La Mecque en 1324. Cette brillante démonstration précède le déclin de l'empire : harcelés de toutes parts les Mandingues se réfugient définitivement en Casamance.
A la fin du XIVème siècle, Amadou Ndiadiane Ndiaye fonde l'empire du Jolof en unissant les trés nombreux Lamanes ( petits chefs locaux ) du Walo, du Kayor, du Baol, du Sine-Saloum, du Dimar et du Bambuk. C'est à cette période que se fonde la domination des Wolofs sur les autres ethnies peuplant actuellement le Sénégal, et que se forme leur homogénéité culturelle et leur organisation sociale, distinguant l'aristocratie avec à sa tête le roi ( bour ), puis les hommes libres ( en général des paysans ), et enfin les esclaves, dominés par les gens de caste ( comme les griots ). A partir de 1559 et l'indépendance du Kayor, l'empire s'étiole, perdant peu à peu son emprise sur les régions soumises, parvenant tout de même à perdurer pour écraser en 1886 l'armée du Kayor. Mais le Jolof est à cette date lui-même sous protectorat francais. C'est d'aillleurs sous le joug colonial que s'effectuera l'unification du pays.

Coloniale

Des premiers contacts à la tutelle francaise

Si l'on excepte quelques échanges ponctuels comme avec les marins dieppois entre 1364 et 1410, on peut retenir que ce sont les Portugais qui amorcent la présence européenne en Afrique Noire : sous l'égide du Prince Henri le Navigateur, les expéditions portugaises atteignent Madère en 1418, le Rio de Oro ( sud du Maroc ) en 1436 puis Gorée en 1445. Notons que lorsque Denis Dias, le chef de cette dernière expédition s'installe dans cette île peuplée de chèvres, seul mouillage facile et sûr face au Cap Vert et à ses côtes trop rocheuses, il est passé au large de l'embouchure du fleuve Sénégal sans le voir. C'est donc autour de l'île de Gorée devenue rapidement une plaque tournante de l'esclavage que se cristallisent les rivalités entre les puissances européennes qui cherchent à asseoir leur présence dans cette partie de l'Afrique, la plus aisément accessible. Mais en 1817 les Français s'imposent et centralisent l'édification de la colonisation autour de Saint Louis avant de promouvoir à l'aube du XXème siècle Dakar comme capitale d'une Afrique Occidentale Française prospère.

Gorée et les rivalités européennes( 1445-1817 ) :
les Portugais ( 1445-1588 ) : découvreurs et marchands
D'abord escale systématique des célèbres expéditions vers Indes et Brésil ( menées par Barthelemy Dias, Vasco de Gama, François-Xavier, Luis de Camões, ... ), l'île devient le point de départ puis le centre d'un réseau de comptoirs permettant un commerce de troc très lucratif ( fusils, poudre, bijoux, étoffes, eaux-de-vie contre or, ivoire, musc, ambre, peaux, plumes d'autruche, ainsi que...des esclaves ).

les Hollandais ( 1588-1677 ) : on leur doit le nom de "Gorée"
Ce sont eux en effet qui nomment "goede reede" ( bonne rade ) l'île d'où ils évincent les Portugais en 1588, profitant du contexte européen ( le déclin portugais advient au moment où la Hollande s'émancipe de l'Espagne ). Mais c'est en 1617 qu'ils achètent l'île à un pêcheur contre quelques barres de fer. Ils y construisent forge, boulangerie, magasins ainsi que deux forts.

Français et Anglais ( 1677-1817 ) : une rivalité indécise autour de l'île symbole de l'esclavage
La fin du XVIIème et le XVIIIème voient Anglais et Français se disputer l'île et son commerce certes lucratif, mais aux résonnances sombres pour l'histoire de l'Humanité. Les Anglais, étrennant leur statut de "maîtres des mers", chassent les Hollandais de l'île en...? Les Français la leur disputeront pendant toute cette période en s'appuyant quant à eux sur leur implantation ( 1626 ) dans le Nord, à l'embouchure du fleuve Sénégal où ils fondent Saint-Louis (1659), première cité Française d'Afrique. Ce mouvement de yoyo cesse l'année-même où se tient le Congrès de Vienne ( 1815 ) abolissant internationalement l'esclavage, qui n'est désormais plus le centre de toutes les convoitises. Les Français, libres de manoeuvrer seuls dans la région, s'empressent d'unifier le pays pour le coloniser, comme le reste de l'Ouest Africain.


St Louis & l'édification coloniale( 1817-1895 )


Le débat digestif de l'Abolition :
Sous la pression des anti-esclavagistes ( Victor Hugo, Lamartine et Victor Schoelcher ) la France s' interroge sur la nécessité de conserver ses colonies. Pourtant, démangée par la rivalité croissante qui l'oppose aux Anglais, elle finit par s'y résoudre. Il lui faut cependant trouver une autre source de richesse puisqu'en 1848 l'esclavage est définitivement aboli par la loi Française.

Faidherbe, bâtisseur du Sénégal moderne :
La nomination en 1854 de Louis Faidherbe au poste de Gouverneur marque le début de la phase active de la colonisation. Il guerroie, pacifie et unifie le Nord et l'Ouest de l'actuel Sénégal, puis, tout en lançant des expéditions conquérantes dans toute l'Afrique de l'Ouest à partir d'une base militaire sûre, il se consacre à la mise en valeur de la colonie : il étend et intensifie la culture de l'arachide, au point de la rendre en dix ans financièrement auto-suffisante, inaugure la voie de chemin de fer Dakar-St-Louis et le port de Dakar, et institue l'enseignement laïque et la formation des élites. Il jette ainsi les bases qui permettent l'édification de l' A.O.F. : la Societé Sénégalaise est mûre pour jouer son rôle de phare au sein de l'ensemble de la région.

La résistance :
Les confréries et les chefs locaux de nombreux chefs comme Lat-Dior, damel du Kayor, qui se bat pendant trente ans jusqu'à sa mort en 1886, ou Mamadou Lamine tentent en vain mais avec acharnement d'endiguer l'implantation française. Les confréries musulmanes deviennent en réalité les réels interlocuteurs du pouvoir tutélaire. Si les Tijanes par exemple choisissent avec El Haj Malick Sy la collaboration en échange d'une politique favorable à l'Islam, Cheikh Ahmadou Bamba ( et à sa suite ses disciples mourides ) se dresse avec ardeur contre l'administration coloniale en une sorte de résistance acharnée, spirituelle et pacifique, préfigurant la "méthode" Gandhi, ce qui lui vaut un certain nombre de brimades ( plusieurs fois exilé, notamment à Mayombé une île en face du Gabon ) dont il se sort à chaque fois avec brio.

Dakar et l'administration coloniale de l'A.O.F.( 1895-1958 )


Dakar, capitale de l'A.O.F.
Lorsqu'elle fut créée en 1895 l'Afrique Occidentale Française ( AOF ), la France choisit Dakar ( dont le nom vient du wolof daqar : tamarin ) comme capitale alors que la gouvernance française se trouvait à Saint-Louis. Cela n'a toutefois rien d'étonnant : dotée du plus moderne et du plus grand port d'Afrique ( c'est lui qui dessert Mauritanie, Haute Volta, Mali, Guinée, Dahomey et même Côte d'Ivoire ), du seul complexe universitaire des terres africaines sous domination française, la ville s'est développée à un rythme exponentiel depuis sa fondation en 1857 par le capitaine Protêt et compte à l'aube du XXème siècle quelques 20 000 habitants. Cette désignation entraîne une ère de constructions prolifiques : palais du gouverneur général de l'A.O.F. (devenu présidence de la République) en 1907, administration générale de l'A.O.F.( devenu musée de l'I.F.A.N.) en 1930. Lors de l'indépendance, la population atteint le seuil de 300 000 habitants. Notons enfin que Dakar assume sans complexe son rôle de métropole politique, administrative, militaire, sociale et même culturelle de l'A.O.F.

Elite et citoyenneté
La population récolte peu à peu le fruit des efforts fournis au profit de l'éducation et de la formation des élites : le symbole de cette nouvelle génération est Blaise Diagne, premier Noir siégeant à l'Assemblée Nationale ( 1914 ). Profondément républicain, intimement convaincu de l'appartenance du Sénégal à la République Française unie et indivisible, il mène campagne dans l'A.O.F. toute entière pour que les Noirs s'enrôlent dans l'armée française ( le fameux bataillon qui effraya les soldats allemands en 1915 ), et obtient en retour la citoyenneté française pour les habitants des "quatre communes"( Gorée, Rufisque, Saint-Louis et bien sûr Dakar ) dès 1916. Cette accession à la citoyenneté est certes pour le moment limitée géographiquement, mais ces zones sont aussi les plus peuplées du Sénégal. Elle sera étendue à" tous les ressortissants des Territoires d'Outre-Mer" le 25 avril 1946 par la "loi Lamine Gueye", deux ans après la conférence de Brazzaville, un an après les élections au double collège ( citoyens français et citoyens de l'Empire ) qui couronnent respectivement Amadou Lamine-Gueye et Léopold Sédar Senghor, quelques mois avant que la constitution de la IVème République n'institue l'Union Française ( 27 octobre 1946 ).
Aux élections législatives de la même année, les deux hommes sont réélus sous l'étiquette SFIO ( Section Française de l'Internationale Ouvrière ), le gouvernement Blum nomme Lamine-Gueye secrétaire d'Etat à la présidence du conseil. Représenté au Parlement français par deux sénateurs et deux députés, le Sénégal fait partie intégrante de la République Française.

Vers l'indépendance
En 1947 , pour mieux répondre aux aspirations de son peuple, Senghor quitte la SFIO et fonde un Parti authentiquement africain, le Bloc Démocratique Sénégalais ( BDS ), rejetant les appels du pied du Rassemblement Démocratique Africain ( RDA, alors très proche des communistes ) et bat très facilement la SFIO de Lamine-Gueye aux législatives de 1951. Le cadre est dessiné, il ne reste plus qu'à le remplir : la décennie des années 50 s'en chargera. La fin de la guerre d'Indochine, le début de la guerre d'Algérie, l'indépendance marocaine et tunisienne provoquent un raidissement de la politique française d'Outre-Mer du plus mauvais effet au regard des efforts britanniques en Afrique Occidentale : les partis politiques sénégalais radicalisent leurs positions à partir de 1955. La loi-cadre du 23 juin 1956 crée huit républiques semi-autonomes dont le Sénégal, instaure dans chacune le suffrage universel, une Assemblée et un Conseil de gouvernement sous l'autorité fédérale d'un haut commissaire assisté d'un Grand Conseil en attendant le référendum du 28 septembre 1958 : à l'exception de la Guinée, toutes les Républiques acceptent de participer à une communauté solidaire de la France. Le Sénégal ( 870 000 "oui" contre 21 000 "non" ) devient ainsi une république quasi indépendante le 25 novembre 1958.

Postcoloniale

Le bon élève Africain de la démocratie


L'accession à l'indépendance et la tentative fédéraliste



Refusant le spectre d'une " balkanisation de l'Afrique Occidentale", Senghor cherche à bâtir une entité de taille à constituer un interlocuteur puissant face au partenaire français : il crée dès décembre 1958 la Fédération du Mali regroupant Sénégal, Soudan, Niger et Haute Volta ( pressentie comme deuxième pôle de cette fédération ), la côte d'Ivoire et son président Félix Houphouët-Boigny préfèrent profiter seuls de leur relative richesse économique, ce qui détourne le Dahomey et le Togo. A la tête de l'assemblée fédérale ( qui a perdu entre-temps Niger et Haute Volta ), Senghor en demande solennellement l'indépendance au Général De Gaulle en décembre 1959 : elle est proclamée le 20 juin 1960.
Système fédéral souple, régime parlementaire et pluraliste contre conception unitaire et régime de type socialiste à Parti unique : tout oppose les deux membres rescapés de la fédération qui ne peut qu'éclater à brève échéance. Ainsi, le 20 août 1960, le Sénégal proclame son indépendance et le Soudan adopte la dénomination de République du Mali, conservant le drapeau et l'hymne de la défunte fédération.


Le modèle L.S. Senghor



Des débuts délicats
Le 17 décembre 1962, Mamadou Dia, président du Conseil tente un coup d'Etat. Fort du soutien massif de la population, Senghor le fait traduire en Haute Cour qui le condamne à la détention perpétuelle. Toutefois, il s'agit d'une exception dans l'histoire du Sénégal, fier de sa tradition démocratique et parlementaire ( datant du 15 avril 1789 quand le pays envoie un "cahier de doléances et de remontrances" aux Etats Généraux de Versailles ) qui offre depuis l'indépendance l'image d'un havre de paix et de stabilité. Néanmoins, dans le sillage des événements français de Mai, l'année 1968 voit grimper la contestation estudiantine puis syndicale et Senghor doit faire preuve de conciliation pour que cessent émeutes et grève générale.

Transitions en douceur
En 1963, l'Union Progressiste Sénégalaise ( UPS ) de Senghor remporte une facile victoire aux élections législatives, la nouvelle Constitution instituant un régime présidentiel est approuvée par 99,4 % des votants, et Senghor est réélu triomphalement à la Présidence. Le succès est tel que l'UPS absorbe tous les autres partis : il faut attendre 1974 pour qu'Abdoulaye Wade, universitaire éminent, fonde le Parti Démocratique Sénégalais ( PDS ). Partisan de "l'ouverture démocratique", Senghor modifie la Constitution en 1976 puis en 1979, et "réserve" un espace politique pour quatre Partis, et quatre sensibilités : libérale et démocratique ( PDS ), socialiste et démocratique ( UPS puis PS : Parti Socialiste ), communiste et marxiste ( PAI : Parti Africain de l'Indépendance ) ainsi que conservatrice ( MRS : Mouvement Républicain Sénégalais ).

le mythe Senghor
Formé à Paris ( où il fut camarade de G.Pompidou ), marié à une française, Sérère ne parlant pas le Wolof ( pourtant langue nationale, commerciale et vernaculaire du pays ), chrétien dans un pays à large majorité musulmane, triomphant facilement à chaque élection depuis 1946 ( sa légitimité n'a jamais été sérieusement contestée ), poète internationalement reconnu et chantre de la Négritude, Léopold Sédar Senghor n'a cessé de surprendre, mais la légende ne serait pas ce qu'elle est devenue s'il n'avait pas révolutionné la pratique du pouvoir en Afrique en quittant volontairement sa fonction suprême en 1980, ce qu'aucun dirigeant africain n'avait fait avant lui : ce geste porte en lui tous les espoirs d'un continent déchiré en permanence par les guerres de succession et autres coups d'Etat sanglants. La succession ne posera pas l'ombre d'un problème : conformément à la constitution, le premier ministre Abdou Diouf prend ses nouvelles fonctions de Président de la République le 1er janvier 1981.


L'héritage géré par A.Diouf


Premier mandat
Homme de dossier à la réputation d'intégrité, discret et effacé, Diouf n'a pas le charisme de son prédécesseur, ce qui ne l'empêche pas de faire preuve à la fois de sang froid et d'habileté politique dès sa prise de fonction, tant en politique intérieure que dans le domaine international : ainsi, il autorise immédiatement tous les partis politiques en 1981, vole au secours du président gambien Jawara ou Diawara, chassé par un coup d'Etat, et profite de cette intervention pour donner naissance à la Fédération de la Sénégambie dès 1982, instaurant entre les deux pays une coopération surtout économique et militaire. Aux élections de 1983, il obtient une large victoire, contestée cependant par l'ensemble de l'opposition. Son score de 83 % est en effet certainement gonflé, mais sa victoire est incontestable. Abdoulaye Wade, leader du PDS, décide donc de réunir et fédérer l'opposition, ce que Diouf ne peut tolérer : il dissout l'organisation en arguant du fait qu'elle viole la loi électorale.

Deuxième mandat
Assez discret, même si la contestation se fait un peu plus vive : c'est à la veille des élections de1988 que commence à résonner le terme "sopi", changement en wolof. Le sénégal connaît d'ailleurs une campagne électorale assez agitée avec en point d'orgue l'arrestation de Wade. Le résultat officiel de 73 % des voix en faveur de Diouf ne convainc personne, même si sa victoire elle-même n'est pas remise en cause : les campagnes votent massivement Diouf et compensent la contestation urbaine. Mais la jeunesse des quartiers populaires urbains exprime sa frustration et met à sac des bâtiments officiels, tandis que Wade purge un an d'exil en France.

Troisième mandat
Il s'agit du plus délicat : Diouf fait face à l'hostilité croissante des gambiens ( surtout à l'égard de la présence militaire sénégalaise ) envers la fédération Sénégambienne qu'il doit se résoudre à dissoudre en 1989. Aussitôt, deux crises éclatent de façon quasi concomittantes :
Sur fond d'hostilité chronique et de racisme, des incidents frontaliers entraînent la fermeture des frontières entre le Sénégal et la Mauritanie pour cinq ans, ainsi que la rupture des relations diplomatiques pendant plus de deux ans. Plus grave, des mises à sac et des massacres ont lieu de part et d'autre, s'amplifiant par le jeu des représailles attisé par la presse. La situation s'améliore toutefois assez rapidement, et on retrouve des sénégalais travaillant en Mauritanie et des maures tenant leur commerce à Dakar ou Saint-Louis dès 1992, même si leur nombre a nettement diminué.
D'autre part en Casamance ( qui fait parler d'elle depuis 1983, date à laquelle commencent à s'exprimer les frustrations des Diolas se sentant envahis par les Toucouleurs, Sérères, Wolofs et autres peuples"du nord" fuyant la sécheresse des années 70 sous la conduite de l'Abbé Augustin Diamacoune ), les rebelles du Mouvement Force Démocratique de la Casamance ( MFDC ) commencent à s'attaquer à des bâtiments et installations de l'Etat. La région entre alors dans un cycle action / répression entre-coupé de cessez-le-feu plus ou moins bien respectés. Quoi qu'il en soit, les rebelles peuvent de moins en moins compter sur le soutien des populations locales, lasses de ne pas connaître la tranquillité des autres régions du pays, surtout de plus en plus conscientes des conséquences néfastes du conflit sur l'activité touristique, et l'armée a pacifié la grande majorité de la région, sans cependant avoir totalement éradiqué la rébellion.

Dernier mandat
Néanmoins, l'habileté politique de Diouf ( il restaure en mars 1991 le poste de Premier Ministre et fait entrer Wade dans le gouvernement ) lui permet de vaincre à nouveau aux élections de février 1993 par 58 % des voix ( contre 32 % pour Wade ). Mais les résultats des législatives de Mai (l'opposition doit se contenter d'un tiers des sièges alors qu'elle améliore son score par rapport aux présidentielles ) provoquent, en surplus du programme d'austérité économique ( prévoyant la fameuse dévaluation de 1994 : les 100 Francs CFA passent de 2 FF à 1 FF ) décidé en août, un retour en force de la contestation tous azimuths, et aboutit une nouvelle fois à l'arrestation de Wade en février 94 ( libéré en Mai après un procès public ). Cependant, ce dernier est à nouveau appelé par Diouf ( sous la pression internationale et surtout française ) à siéger au gouvernement dès 95. La contestation s'adoucit ensuite à mesure qu'apparaissent les fruits de la réforme économique.
Fin 1998, le président de Guinée Bissau est renversé : Diouf réagit de la même façon que 20 ans plus tôt : il envoie son armée secourir son voisin et en profite pour saper les bases arrières des rebelles casamançais.

Lors des élections de Février 2000, enfin, il perd face au candidat de l'alternance, son éternel rival, Abdoulaye Wade. Cette élection, dans le calme et sans contestation des résultats par aucun candidat, même au premier tour, marque un nouveau jalon dans l'histoire de la démocratie à une échelle bien plus que nationale : plus que jamais, les Sénégalais peuvent s'enorgueillir de leur statut de modèle démocratique pour l'ensemble des pays en développement.